Résumé sommaire de la CDC – 2012

Tous les régions

Union des employés de la Défense   nationale

Examen de Construction de Défense   Canada (CDC)

 

Février 2012

Rapport CDC

 

Résumé

 

Au cours des cinq dernières années, l’Union des employés de la Défense nationale (UEDN) a fait l’objet de pressions pour comprendre ce qui se produit au sein du secteur Génie construction (GC) du ministère de la Défense nationale (MDN). C’est ainsi qu’elle a pu constater l’impartition par CDC de tâches traditionnellement effectuées par les membres de GC. Au cours des derniers mois, CDC a commencé à effectuer des tâches environnementales significatives telles que des évaluations environnementales, des plans de remise en état et d’autres travaux de gestion des installations tels que l’entretien préventif. Ces travaux ont toujours été exécutés par des ressources internes.

 

CDC, établie en 1951 sous le nom « Construction de Défense (1951) Limitée », devait aider le MDN à impartir le travail pour des projets importants en matière de biens immobiliers. CDC constitue une société d’État non mandataire qui fait rapport au Parlement par l’entremise du ministère des Travaux publics et de Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Ce rapport hiérarchique est significatif, car CDC a été établie pour effectuer l’impartition des services au nom du MDN. Par conséquent, elle constitue un prolongement de TPSGC. Comme nous l’avons observé au cours de cet examen, CDC, avec la collaboration complète, l’encouragement et les conseils du MDN, a accru son mandat : elle effectue ou impartit à présent des tâches en matière de biens immobiliers autrefois effectuées par le personnel de GC du MDN. Il s’agit de responsabilités qui vont au-delà de son mandat initial et de la portée des services qu’elle doit fournir.

 

Croissance rapide de CDC

 

Ce qui ressort du rapport annuel de CDC, c’est qu’elle a vu, au cours des cinq dernières années, sa main-d’œuvre croître de plus de 500 personnes, soit une augmentation de plus de 200 %. La liste de paie annuelle de CDC atteint plus de 90 millions de dollars, une somme entièrement assumée par le MDN. Nous pourrions bien soutenir que cette croissance correspond à l’augmentation des dépenses militaires du gouvernement. Toutefois, les dépenses en biens immobiliers n’ont pas doublé. Une grande partie de la croissance de CDC peut être attribuée à l’expansion de son mandat. Nombreux sont ceux qui affirment que cette expansion a handicapé le processus d’impartition et sa surveillance. Ironiquement, on prévoyait, comme avantage principal, une impartition plus efficace. À présent, nous remarquons plutôt un suivi excessif AVANT l’affichage du contrat. La gestion du contrat, une fois celui-ci attribué, crée des problèmes significatifs pour le gouvernement. Nous discuterons de ce point dans une section distincte.

 

La croissance rapide de CDC a fait l’objet de discussions avec la direction du MDN. Selon celui-ci, puisque le financement de CDC et des contrats connexes de tierces parties est débité du budget de F et E et non du budget « enveloppe des traitements et salaires » (ETS), il s’avère plus efficace d’utiliser ce système malgré les coûts supérieurs ou les inefficacités. L’application de cette idéologie va même jusqu’à laisser les employés GC salariés se tourner les pouces, alors que le personnel de CDC et les entrepreneurs externes effectuent leurs tâches. Selon notre estimation, ce processus coûte 50 millions de dollars par année au MDN. C’est la première fois que le MDN utilise des moyens plus coûteux pour assurer la prestation d’un programme. Une telle situation a également été mise au jour dans la Section des transports du MDN, où les chauffeurs restent inoccupés et la flotte inutilisée tandis que des entrepreneurs privés exécutent le travail[1].

 

CDC – Suivi des contrats

 

Le rôle de CDC consiste à administrer les contrats d’immobilisation attribués au nom du MDN et non à effectuer la gestion de projet. Dans le cadre de l’étude, nous avons découvert plusieurs situations où le manque d’expérience des employés de CDC a causé la réalisation de travaux en deçà des normes de qualité. Dans chacun des 17 sites visités, on a fait état de situations où l’on a dû faire appel aux GC APRÈS l’exécution des travaux impartis, afin de rectifier les déficiences ou de corriger les erreurs de l’entrepreneur. Certaines de ses situations ont entraîné la fermeture des édifices jusqu’à l’apport de corrections. Souvent, les employés de CDC responsables du contrat n’ont même pas remarqué ces erreurs. Elles ont plutôt été décelées par les GC une fois le travail achevé. En effet, dans la plupart des cas, le personnel de CDC n’avait pas suffisamment d’expérience pour comprendre le non-respect des spécifications ou les manquements au code.

À une reprise, un entrepreneur a même coupé le fil de mise à la terre d’un édifice où l’on entrepose les munitions. Même si l’administrateur du contrat de CDC était au courant de la situation, il ne disposait pas d’une formation suffisante pour comprendre le sérieux de la situation aux yeux du personnel qui y travaillait. Une fois l’erreur notée par les GC, on a procédé à l’évacuation de l’édifice et à la réparation du fil de mise à la terre. À une autre reprise, un entrepreneur a installé des boulons de lisse basse au mauvais endroit. Plutôt que de demander à l’entrepreneur de corriger la situation, on a coupé les boulons. Par conséquent, les murs d’un garage posés directement sur la fondation flottaient littéralement sans attaches de sécurité. Après que l’on ait demandé à CDC à plusieurs reprises de communiquer avec l’entrepreneur pour corriger la situation, les GC ont entrepris des mesures correctives aux frais de l’État.

 

On a observé de nombreux autres cas où les erreurs de l’entrepreneur n’ont même pas suscité l’intervention de CDC. Des planchers en pente sans utilisation pratique possible; des revêtements de murs extérieurs trop courts pour les murs d’un édifice qui laissaient des écarts de 6 à 12 pouces sur l’édifice, des systèmes CVCA mal installés des travaux de plomberie qui ne respectaient pas le code[2], etc. On ne pourra pas quantifier le coût de ces erreurs. Par surcroît, des situations semblables se produisent régulièrement partout au pays. On s’attend donc à ce que les GC rectifient les problèmes, et ce, toujours, aux frais de l’État.

 

Retards de l’émission des demandes de proposition sur MERX

 

CDC devait en premier lieu aider et faciliter le processus d’impartition des projets de construction. On rapportait même que le temps nécessaire pour octroyer les contrats constituait pour eux une mesure de la performance. Au cours des quatre dernières années, CDC a mis ce facteur de côté et a modifié le processus d’impartition. Elle requiert dorénavant un examen exhaustif par les pairs de toutes les informations fournies par le MDN pour déterminer si le projet est « soumissionnable ». Ce processus, accompli par des personnes non qualifiées, a prolongé de plusieurs mois le processus d’impartition. Actuellement, la performance de CDC correspond à celle de TPSGC. En plus du temps ajouté au processus initial, CDC mesure maintenant officieusement sa performance en vertu du temps entre l’affichage de la demande de proposition sur MERX et le moment de l’attribution du contrat. CDC ignore donc le temps requis au début du processus. On tente donc de nous induire en erreur. En outre, on dédouble le rôle des GC du MDN et on ajoute des délais importants à la prestation du projet. Nous estimons que ce processus ajoute au moins quatre à cinq personnes au personnel de CDC sur chaque site du MDN. Ces frais supplémentaires associés au personnel se chiffrent à environ 10 millions de dollars.

 

Sur tous les sites visités, on a évoqué des inquiétudes au sujet du nouveau processus d’impartition. Le personnel parvenait à citer plusieurs exemples des retards et du fardeau additionnel occasionnés à l’égard de la prestation efficace du projet. On ne rapporte également aucune preuve de l’amélioration du produit, de la réduction des plaintes à l’endroit de l’État, d’une réduction des modifications de portée en cours de prestation du projet, ni d’une réduction des commandes rectificatives à la suite de l’introduction de ce processus revu.

 

CDC comme point d’atterrissage des employés des FC à la retraite

 

La relation de travail entre le personnel de CDC et du MDN est palpable au niveau des bases ou des escadres. Chaque bureau CDC est responsable de faire croître les activités de site en site. De plus, le personnel local du MDN, généralement au niveau de l’adjudant ou du chef, détermine la quantité de travail que CDC recevra au niveau local. Nous avons observé une tendance où les officiels locaux du MDN ont augmenté la charge de travail attribuée à CDC, afin de s’assurer de sa durabilité. Ceux-ci prenaient ensuite leur retraite pour retrouver un poste principal au sein de CDC. On fait état de huit occurrences de ce type de manipulation et on est en voie d’en découvrir plusieurs autres. Même si ce manège de retraite et embauche ne contrevient pas aux règlements de la fonction publique, nous devons nous interroger sur ce conflit d’intérêts et nous demander si les décisions menant à l’augmentation de la charge de travail de CDC correspondent au meilleur intérêt de l’État.

 

À plusieurs occasions, nous avons demandé des analyses de cas pour soutenir l’utilisation de CDC. Soit ces analyses n’existent tout pas, soit le MDN refuse de divulguer l’information pour effectuer une analyse exhaustive.

 

 

 

 

Irrégularités financières

es résultats les plus troublants observés dans le cadre de cet examen concernaient la découverte de nombreuses irrégularités financières ou du non-respect délibéré de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

 

Dans un cas, un entrepreneur embauché par CDC a présenté une facture sur laquelle il avait gonflé ses heures de travail. Après qu’un GC a mis en lumière ce manquement, CDC a retourné la facture à l’entrepreneur. Ce dernier a bel et bien revu ses heures à la baisse. Il a, par contre, augmenté le prix du matériel déjà déclaré afin que le total de la nouvelle facture soit du même montant. Une fois de plus, l’employé GC a demandé des explications. Toutefois, CDC a refusé d’en discuter et de chercher à obtenir de plus amples clarifications de la part du fournisseur de services.

 

Voici un autre exemple : un employé de CDC a avisé le MDN de l’achèvement d’un projet. Le Ministère, à la demande de CDC, a donc autorisé le paiement de la somme totale à l’entrepreneur. Après quelques recherches, on a pu apprendre que la construction de l’édifice était inachevée. Après la réception du paiement, l’entrepreneur a retardé de plusieurs semaines l’achèvement du projet. CDC a déclaré qu’elle avait accepté de payer l’entrepreneur avant le 31 mars. Si on analyse la situation de l’extérieur, il semblerait que le MDN a été manipulé par CDC pour dépenser l’argent engagé sans quoi il risquait de perdre les fonds en vertu du protocole de financement de niveau fédéral. Il s’agit donc d’une violation évidente de la LGFP.

 

Une autre preuve de non-respect de la LGFP a été mise en lumière au cours du processus d’entrevue avec d’anciens employés de CDC qui travaillent à présent au MDN. Nous avons appris que CDC modifie les feuilles de temps de ses employés pour maximiser le montant du salaire facturable dans le cadre de certains projets, et ce, même si ces derniers n’ont pas travaillé sur le projet. En effet, ils présentent ces informations falsifiées aux administrateurs de contrat qui les autorisent pour par la suite récupérer ces fonds du MDN.

 

De plus, CDC se sert de ces informations falsifiées pour affirmer qu’elle constitue une organisation plus efficace qu’en réalité en proclamant que plus de 74 % des dollars attribués aux salaires constituent des coûts de projet légitimes. En fait, il s’agit plutôt d’une tentative de CDC de dissimuler des coûts indirects extraordinairement élevés. Nous évaluons que cette pratique coûte entre 10 et 15 millions de dollars par année au MDN. Si CDC rapportait convenablement ses coûts, cela ferait doubler les coûts indirects rapportés, ce qui attirerait l’attention sur la capacité de gestion de leurs dirigeants. Toutefois, un problème plus important surgit : CDC manipule de façon délibérée les coûts de projet et, par le fait même, demande aux employés d’enfreindre la LGFP et d’obliger le MDN à payer.

 

Le personnel GC a souligné une autre inquiétude au cours du processus d’examen. Elle porte sur le montant des frais facturés par CDC pour différents projets. Ce problème semble se produire plus fréquemment dans la région de Québec. En effet, des preuves documentées ont permis de déterminer que CDC ajoute des frais pour des projets, allant de 15 % jusqu’à 40 %. Une fois de plus, lorsque le personnel GC a interrogé le personnel de CDC à ce sujet, on a fourni aucune réponse.

 

Finalement, la croyance populaire au sein du personnel du MDN veut que l’État paie trop cher les matériaux lorsque CDC gère un projet. Dans le cadre d’un projet à Valcartier, le personnel du MDN a appris que s’il avait imparti un contrat de réparation de porte de garage, le prix aurait avoisiné 8 900 $. Cependant, vu que CDC était le client, le prix a plutôt grimpé à 9 500 $. Cette fois encore, le cas est documenté. L’entrepreneur a envoyé une facture originale au MDN par erreur. Il a par la suite demandé qu’on la lui rende et l’a réémis au nom de CDC. Une autre preuve documentée veut qu’un entrepreneur ait surfacturé CDC pour l’achat d’une table élévatrice à ciseaux que le MDN a obtenue à un moindre prix. Cette surfacturation avoisinait 4 000 $. Nous nous devons également de mentionner l’achat d’une pompe de puisard à Saint-Jean. L’entrepreneur allait charger près de 16 000 $ pour la pompe et son installation. Après des délais s’échelonnant de plusieurs mois, le personnel GC a dû effectuer le projet. Il l’a réalisé pour moins de 7 000 $, y compris la main-d’œuvre, le matériel et la pompe. Voilà un autre exemple des problèmes causés par CDC et de la façon dont le personnel incompétent occasionne des dépenses significatives pour l’État.

 

 

 

Démembrement de la structure organisationnelle de GC

Au cours du processus d’examen, sur tous les sites sauf CFB Trenton, nous avons remarqué que le gel de l’embauche du personnel GC érodait la structure organisationnelle de la fonction GC. La direction du MDN semble tenter délibérément de remplacer les fonctions de planification et d’exigences dans les différentes escadres et bases par le personnel de CDC. Quels sont les résultats de cette stratégie? Du personnel GC sans direction évidente sur le lieu de travail. On crée ainsi des inefficacités significatives, à savoir de quelle façon doit s’effectuer l’exécution des projets et l’entretien des édifices. Dans un cas, l’environnement de travail est devenu si malsain que tous les membres du personnel GC interviewés cherchaient un emploi auprès d’autres organisations gouvernementales. En raison de ce manque de direction au sein de la structure organisationnelle, les membres GC restent à ne rien faire tout en recevant leur paie, tandis que l’on impartit le travail. Autrefois, la direction escadres et bases et le personnel GC tenaient des réunions de planification. On y discutait des prochains travaux. Encore une fois, pour tous les sites visés à une exception près (CFB Trenton), ces réunions n’ont plus lieu ce qui entraîne un dédoublement des coûts pour l’État.

Cet enjeu comporte des implications plus vastes que l’utilisation du personnel actuel du MDN. Dans plusieurs cas examinés, on s’est rendu à l’évidence que le personnel de CDC n’avait pas les qualités pour effectuer une surveillance technique des projets. Pour éviter une telle situation, il serait extrêmement simple pour le MDN de former le personnel GC en place pour qu’ils effectuent la coordination des entrepreneurs au lieu
d’utiliser le personnel de CDC. Il semble même que le risque associé aux projets auquel fait face l’État est plus important lorsque le personnel ne comprend pas les aspects techniques du travail. Il est plus simple de former un administrateur de contrat qu’un expert technique. Il est beaucoup plus facile de former une personne pour gérer un contrat que d’en faire un expert technique dans un certain domaine. En formant son propre personnel pour administrer les contrats, le MDN pourrait économiser des millions de dollars tous les ans.

Il y a quelques mois, le MDN s’est entendu avec l’UEDN pour mettre en place un programme d’apprentissage pour le personnel désirant obtenir une accréditation. Mais après avoir approuvé le programme, le MDN n’a pas procédé à sa création et les employés ont été informés que le programme est en attente.

Conclusion

Il semble que la direction du MDN ne connaît pas les coûts réels de l’utilisation de CDC en vue d’accomplir les fonctions d’administration de biens immobiliers et de contrats sur les escadres et les bases. De plus, elle semble ne pas s’en faire outre mesure.

 

La preuve recueillie au cours de l’examen montre qu’un problème systémique de surfacturation et de manipulation des feuilles de temps se produit, afin de cacher l’inefficacité qui existe au sein de l’organisation de CDC. Qui plus est, plusieurs membres du personnel de CDC n’ont pas l’expertise requise pour accomplir leurs tâches, ce qui coûte encore une fois des millions de dollars à l’État. Manifestement, CDC n’est pas en mesure d’assurer une exécution opportune du travail imparti, notamment en ce qui a trait aux affichages d’information sur MERX.

En raison du manque de transparence, on ne peut quantifier entièrement l’étendue des abus sans une vérification complète du lien entre le MDN et CDC, ainsi qu’une vérification complète des activités de CDC. Les irrégularités découvertes permettent de soulever des inquiétudes importantes. Le gouvernement devrait donc mener une enquête en profondeur, et ce, le plus tôt possible.

Nous recommandons que le MDN demande au vérificateur général du Canada d’entreprendre immédiatement une vérification de CDC, afin de déterminer l’étendue des problèmes mis au jour dans le cadre de cet examen.